« Danse avec les souches »

Les Capréoles Acte  I.  Après nous avoir raconté ( L’aventure des Capréoles) ses premiers contacts avec son domaine, Cédric Lecareux nous parle ici du moment émouvant et exaltant à la fois de « prendre enfin possession de ses vignes ». Pour préparer un  grand vin.
 

Les-Capréoles-225x300« Novembre et ses premiers froids ouvre la saison de la taille… Une nouvelle occasion de réellement prendre possession des vignes.
Si la taille représente un des gestes essentiels dans la foultitude des détails qui mènent vers un grand vin, elle revêt cette année pour moi un caractère particulier : je dois préparer chaque souche au retour de la charrue ! La plupart des « mamies » du domaine l’ont connue dans leur jeunesse, mais avec l’arrivée des désherbants, les souches se sont laissées aller, laissant leurs racines vagabonder en surface et leur corps se prélasser sur le sable, granite décomposé.
En effet dans les vignobles à haute densité des crus du Beaujolais, les bras des gobelets, voire parfois les souches entières, sont littéralement couchées par terre, rendant le passage de toute charrue entre les ceps impossible.

Il me faut redresser chaque souche, les épauler, les mutiler parfois pour les « remettre dans le rang ». Chacune a sa différence, sa personnalité, sa vigueur, sa structure façonnée par les mains des tailleurs qui les ont caressées depuis leur jeunesse.
Dans les restructurations les plus simples ce n’est qu’une « corne » à enlever. Dans les cas les plus intéressants, c’est la souche entière qu’il faut relever et consolider. Je pose alors le sécateur et les Rolling Stones qui m’accompagnent sous mon bonnet marquent une pause…
Commence une danse toute particulière au cours de laquelle tous mes sens sont mobilisés.

Je tourne autour de la souche pour trouver la meilleure prise. Je l’enlace fermement, la relève centimètre par centimètre. Ressentant la résistance du bois, je suis attentif aux moindres craquements qui m’alertent sur l’approche du point de rupture. Souvent des racines se sont redéveloppées depuis la tête de souche, un marcottage naturel. Il faut alors les sectionner afin de permettre à la souche de bouger. J’essaie de ressentir un mouvement naturel vers le haut. Puis j’abandonne quelques instants ma « partenaire » pour positionner le tuteur dans l’axe du rang, à l’endroit où je pense pouvoir remonter la souche.
Puis le corps à corps reprend… entre douceur et fermeté… La tête de souche vient s’appuyer contre son tuteur, c’est presque gagné. Encore quelques millimètres…

Ca y est, elle est relevée et retrouve sa fierté, plus ou moins droite mais levée vers le ciel, permettant le retour de la charrue.
Dans ce moment de soulagement et de joie, je me surprends alors à murmurer « elle est sauvée » alors que mes battements de cœur redescendent progressivement…
La notion énergétique prend alors tout son sens, le végétal s’en nourrit. Mais il arrive aussi parfois que ce manège se termine mal allant à la rupture du pied. Une histoire s’arrête. C’est pour cela que ce geste est si important pour moi.

Demain je teste différents interceps afin de choisir celui qui respectera au mieux mes « mamies ». Ce sera la répétition générale ! «

 

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